La statue animée : histoire italienne
Alors que je contemplais cette œuvre d’art avec admiration et trouble, elle s’anima soudain, révélant un sourire éclatant au charme envoûtant. Elle s’approcha de moi et je pus voir qu’elle prenait forme humaine. En effet, je distinguais ses prunelles émeraude, d’une profondeur sans égal. Cela me fascinait. Sa bouche était charnue et rouge, coloris de la passion. Attirée, je touchai ses lèvres puis sa peau ivoire qui se révéla aussi douce que du velours. Ce jeune homme fantastique me caressa la joue et l’effet que cela me fit me réveilla en sursaut et en nage. Il me fallait reproduire la statue de ce songe !
Je quittai mon lit avec un sentiment d’urgence et me précipitai à mon atelier. Je me saisis de mon cahier de dessin et reproduisis immédiatement mon idéal. Rassurée de ne pas l’avoir oublié, j’attendis le lendemain pour débuter ma création, car il me fallait du matériel que je ne pouvais me procurer qu’à Carrare, ville connue pour son marbre de qualité, située à 50 kilomètres de mon village. La nuit achevée, au petit jour, je m’en allai donc dans ce lieu à bord de ma voiture quérir le plus beau marbre qui soit pour mon œuvre. Je revins dans mon atelier trois heures trente plus tard. J’avais agi le plus rapidement possible, le trajet durant normalement une heure trente l’aller, j’avais accéléré au point de mettre seulement une heure vingt, mais une fois sur place, il m’avait fallu prendre mon temps pour ne pas regretter mon choix. Il s’agissait tout de même de trouver le meilleur matériau possible pour ce qui serait probablement la meilleure création de ma carrière et la plus similaire, que dis-je, identique à mon idéal amoureux.
Une fois arrivée, je commençais à sculpter cette statue que je voulais pareil à celle de mon rêve. Tel Pygmalion, je créais la sculpture représentant ma vision de l’être recherché. Cela me prit deux nuits dépourvues de tout sommeil et deux journées sans pause. Ce travail fut harassant mais le résultat en valut la peine. J’y avais mis tout mon cœur et aucun détail ne manquait. Satisfaite et émerveillée, je mis la statue sur un chariot et l’installai avec une infinie douceur au même emplacement que dans mon rêve. Je reculai pour mieux admirer mon œuvre et pour voir la vue d’ensemble. Oui, sa place était bien ici. Je pourrais la voir de la fenêtre de ma chambre, cela était parfait.
Je couvai une dernière fois du regard la statue, regrettant pendant un instant qu’elle ne
fût pas un être vivant, puis j’allai me coucher bien que le jour soit déjà levé. Mon lit semblait m’appeler tant j’étais à bout de force. Cependant, un autre phénomène était également la raison de cette hâte sans que je le sache. Le sommeil m’enveloppa rapidement. Tandis que je récupérais de mes deux nuits vierges de tout endormissement, le protagoniste du songe à l’origine de ma création me revint. Ce rêve était incroyable et paraissait si authentique. Je ressentais au plus profond de mon être tous les sentiments et les sensations. Avant ces deux songes, aucun ne m’avait paru si réel, ne m’avait autant troublée que ceux que je faisais depuis la nuit du 10 août. Ce deuxième rêve était semblable au premier, du moins dans sa genèse car la suite différait.
Au début, je voyais la statue dans le jardin, sous le ciel étoilé mais les roses rouges manquaient au tableau. Au bout d’une vingtaine de secondes, la sculpture s’éveillait. Sa tête s’inclinait, son sourire se dessinait sur ses lèvres sensuelles.